Les yeux plissés par le vent tiède qui polissait ses écailles éclaircies, il reprit son périple. Le sable ne s'enfonçait pas sous ses griffes bleutées, et la plante palmée de ses pieds ne laissait aucune trace au sol, c'est à peine si le fin sillage de sa queue fendait les sables rendus pourpres par l'aube. De loin, Hezûl était une dune sur laquelle se reflétait le bleu-violet du matin, par le miroitement des mirages. De près...Et bien, de près...
Le dragon d'airain! Le lointain dragon du désert, aux écailles lissées, polies par le sable, et colorées par les grands pans de soie qui lui couvrait les flancs et le cou. Le dragon aux yeux changeants, tantôt d'un bleu d'azur, tantôt d'un indigo profond. Le paradoxe, dragon cracheur d'eau au milieu des dunes, mais surtout, le Silence. La gueule close, la patte agile, l'aile repliée, le dragon du désert avançait à bonne allure, énigmatique gardien que les désertiques nommaient, sans savoir autre chose que son surnom de Silence, [i]Sheldihron[i], le lézard muet. Protecteur des caravanes, Hezûl était aimé. Mais jamais, jamais, le grand dragon, ne laissait de traces. Une petite légende parcourait actuellement les tentes: L'oeil de Sheldihron-cracheur-d'eau octroyerait ses pouvoirs, si broyé et avalé. Mais Hezûl ne semblait guère s'en soucier. Peu de gens tenteraient, de toutes manières, et ceux qui s'y essaieraient, et bien...Le Silence ne laissait jamais de traces. Mais en revanche, il avait une oreille partout. Une oreille de poussière, qui transmettait ses messages par le vent. Aussi ne parut-il guère effrayé lorsque coururent vers lui les cinq hommes masqués. Masqués pour ne pas avoir l'estomac plein de sable avant même le déjeuner, pour sûr. Le dragon d'airain stoppa net sa marche majestueuse, et cambra le cou pour mettre sa tête à la hauteur de celle des chevaux des arrivants.