Parfois je regarde ma vie sans l'enjoliver,
Sans histoires incroyables, sans surplus ni carences
Trop longue, banale, inintéressante, et je pense
à tous ceux qui ont tant d'aventures à conter.
Et j'en veux au hasard de m'avoir tout donné,
Sauf la capacité à me satisfaire de ce que j'ai.
J'en veux au monde de ne pas m'avoir offert d'ennuis,
Et à moi-même de n'avoir pas su aimer ma vie.
Alors, l'espace d'un instant, je suis
Le gamin de Vallès, le sauvage de Truffaut,
Un poil de Carotte ou un Gavroche d'Hugo,
Le Ralph de Golding ou bien Jacques des Thibault.
Et toujours en pensant à ces héros de romans,
J'en veux à mes parents de n'avoir su me fournir
Suffisamment de malheur pour justifier ce sentiment,
De ne pas être heureuse, de ne pas savoir rire.
Il me faudrait un décès, un accident, une maladie,
Un objectif, un but pour donner un sens à ma vie,
Mais mon seul problème reste encore et toujours,
De n'avoir jamais manqué ni d'argent ni d'amour.
Alors, l'espace d'un instant, je renais
en Zézé de Vasconcelos ou en Meaulnes de Fournier,
En David Copperfield, ou en Oliver Twist,
Et enfin seulement, j'ai le droit d'être triste.