Ecrire, c'est aussi ne pas parler. C'est se taire. C'est hurler sans bruit. [Maguerite Duras] |
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| Chronique d'un rdv chez la psy | |
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Mathy Agent du MIB - Nom d'code : Math
Nombre de messages : 781 Age : 31 Localisation : Lost under a sky of dust, I think... Date d'inscription : 17/03/2007
| Sujet: Chronique d'un rdv chez la psy Jeu 26 Juin - 1:19 | |
| Partie 1 - L'aller d'une mauvaise humeur Je me réveille et reluque la projection de l'heure sur mon plafond. 10:15 Il est tôt. Trop tôt pour moi. C'est en maugréant et pestant contre ma 'crise monstrueuse' que je me redresse dans mes couvertures, mon polochon-doudou se reposant encore à côté de moi. Le bienheureux. Pas d'école. Pas de sentiments, pas de vie. Juste ceux que je veux bien lui donner, mais on s'éloigne du sujet. Je rampe jusqu'au bout de mon lit chaotique et descend l'échelle de bois pour glisser mes pieds dans ces pantoufles indiennes qui claquent sur le sol en s'ajoutant à mon pas lourd. Je m'habille de mauvaise humeur, il est décidément trop tôt, pour quelqu'un qui émerge habituellement vers 15 h. Je me lave, je jette portable et mp3 dans mon sac de ville et prend direct ma veste en passant dans le couloir. Un salut peu aimable aux autorités parentales suffit pour aujourd'hui. N'oubliant pas la précieuse petite carte de rendez-vous, je sors mon scooter du garage en maudissant le dôme gris qui semble surplomber la Terre et enfile casque et gants en maudissant, cette fois, le prix de l'essence. Engin noir, gants noirs, casque noir, moi-même toute en noir, comme à l'habitude, je pars sur un petit crachoti pas bien méchant de l'eau du ciel. Putain de journée qui s'annonce. Onyx, mon fidèle MBK Ovetto, pousse les gaz à fond sur les éternelles routes de campagnes qu'on prend pour aller en ville ou au lycée, tandis que quelques voitures nous narguent avec leur toit, leur confort et leur vitesse. Pauvre Onyx, il n'atteint les 65 km/h que dans la descente de la grande colline champêtre qui baigne souvent dans la brume en hiver. Ayant mis mes écouteurs, même sous l'intégral, Linkin Park entame son appel à la réflexion sur soi en m'apaisant de son Runaway. Cette chanson, avec Don't stay, est bien la seule que mon esprit poussiéreux et mal rangé garde précieusement comme un trésor. Tout en tournant sur une énième route déserte bordée de champs vides, mes lèvres susurrent avec amour les toutes premières paroles de chanson que j'ai réussi à retenir de mon plein gré. Graffiti decorations Under a sky of dust A constant wave of tension On top of broken trust The lessons that you taught me I learn were never true Now I find myself in question [They point the finger at me again] Guilty by association [You point the finger at me again] Je m'arrête de chanter pour négocier un virage en épingle puis reprend, un oeil et demi sur la route, l'autre moitié se laissant bercer par une série d'images matérialisant tout à fait ce que je suis, ce que je sais être réellement. I wanna run away [Never say goodbye] I wanna know the truth [Instead of wondering why] I wanna know the answers [No more lies] I wanna shut the door [And open up my mind] Je me mets à gueuler ce refrain, couvrant la voix nasillarde d'Onyx et créant de la buée sur ma visière. J'ai bien fait d'avoir mis mes lentilles. Arrivant dans la zone semi-citadine, je soupire. Je préfère voguer dans la campagne et ses étendues vertes plutôt que vircouetter (ou 'virer') un peu partout entre des bâtiments beige sans âme aucune. C'est donc après une série de changements de routes, un passage sur un chemin de fer et un autre devant les grilles du lycée que j'entre dans la réelle ville, soudain arrachée à mon état de sérénité. Onyx s'arrête au feu rouge du grand boulevard et me laisse soulever ma visière. Il n'y a pas beaucoup de monde, comparé aux jours et heures communes (ou presque) de travail. Le feu passant à ce vert tendre évoquant ma campagne, je commence à démarrer, mais la voiture devant met du temps à faire de même. J'avais oublié combien les moteurs automobiles pouvaient être lents à l'accélération. Ça frime, ça frime, les voitures, mais finalement, les deux roues valent bien mieux. Comme s'il m'entendait réellement grogner, mon scoot soupira en un sursaut de ronronnement aigus. Tout droit, toujours tout droit, LP me laisse le temps de savourer le goût disparaissant de Runaway pour ensuite enchaîner sur la violence de By Myself. Braves gars. Même après avoir enregistré leur album, ils savent vous dégotter la bonne chanson au bon moment. Après avoir fait le tour d'une place, me voilà en centre-ville. Onyx, LP et moi nous éloignons de la grande place pour nous garer un peu plus loin, près du QG des hommes en uniforme. Je tourne la clé pour éteindre le scoot, laissant tout le loisir à mon mp3 de gueuler un peu plus fort dans mes tympans, mais aucune incidence auditive ne sera à déplorer, puisque j'étais à moins de 60% du volume maximal. J'ai calculé. Sachant que la machine à café (mon mp3, donc) peut aller jusqu'à 31, je reste à 17 ou 18. Caressant le dos de mon brave Ovetto, j'enlève mon casque, fourre mes gants dedans tout en gardant mes mitaines, et finis par museler Onyx de son antivol (noir). Le laissant donc se reposer, je commence à marcher sur les trottoirs uniformément gris pour passer devant l'orthodontiste (que je ne vois plus qu'une fois tous les mois grâce à l'enlèvement de mon appareil), longer le côté résidentiel de la grande place (aussi appelée 'Place Nap', en raison de la fière statue de bronze de Napoléon Bonaparte se dressant en plein milieu) et arriver finalement aux galeries Bonaparte (quand on parle du loup...), endroit où siègent chaînes de TV et de radio locale, en plus d'un restaurant, d'un magasin de décoration d'intérieur, de l'office de tourisme et, accessoirement, deux psy. I watch how the Moon sits in the sky in the dark night Shining with the light from the sun The sun doesn't give life to the moon to assuming The moon's going to owe it one It makes me think of how you act to me You do Favors and then rapidly You just turn around and start asking me about Things you want back from me I'm sick of the tension, sick of the hunger Sick of you acting like I owe you this Find another place to feed your greed - While I find a place to rest A place for my head résonne. I wanna be in another place I hate when you say you don't understand [You'll see it's not meant to be] I want to be in the energy, not with the enemy A place for my head Une fois encore, Chester et ses acolytes ont visé juste alors que mes pieds me mènent péniblement à travers les escalier du rez-de-chaussée jusqu'au premier étage. Peinture jaune sur les murs. Jaune poussin. Pour des gens qui vont chez le psy, ils auraient dû mettre du vert, il parait que ça a des vertues lénifiante. Ils auraient aussi dû faire ça au lycée, à la place du beige. Ça m'aurait évité d'en arriver là, de voir pour la deuxième fois quelqu'un qui arrive trop tard. A place for my hea-ead... En effet, on ne m'a pas laissé le choix. Il faut croire que les penseurs, ados ou adultes, n'ont pas le droit d'avoir leur place for their head dans ce monde de 'concret powaaaaa'. J'arrive dans un couloir et tire une première porte afin d'arriver dans un hall désert fermé par 4 autre porte, toute identiques. Ou presque. En effet, un petit écriteau signale la 'salle d'attente du Dr. Untel'. Demandant à LP de baisser quelque peu le volume de leur performance musicale, je m'empresse de pousser la porte sus-nommée, ravie de quitter ce hall ridiculement petit, moche et mal éclairé. La moquette est d'un kaki sale, avec les habituels murs jaunes et le tout affublé d'un néon blanc rendant l'âme. Je m'assied donc sur une chaise à dossier en roseau tressé après avoir salué une mère et son jeune fils qui étaient déjà installés dans cette pièce si étroite qui servait de salle d'attente. 6m², j'ai mesuré. En accord avec ma vision de la chose, LP entame les douces mélodies de Forgotten pour faire oublier à mon esprit critique l'ensemble moyennement apaisant que forment les murs blancs, le sol et les chaises vertes. Ayant une pensée pour Onyx en espérant qu'il ne se prenne pas de PV (aucune raison, mais sait-on jamais) et me laissant choyer par Chester et sa bande, j'attends mon heure. [suite au prochaine épisode, il est tard.] | |
| | | fallen P'tit timide paumé O_o
Nombre de messages : 42 Date d'inscription : 28/04/2008
| Sujet: Re: Chronique d'un rdv chez la psy Ven 27 Juin - 0:25 | |
| J'attends la suite. ... J'attends la suite, pas comme on attend la suite d'une série télé. ... J'attends la suite. ... J'attends la suite comme on attend la suite d'un développement; prenant ce texte pour une 'situation initiale'.
Si je n'aimais pas, je n'attendrais pas. | |
| | | Mathy Agent du MIB - Nom d'code : Math
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| Sujet: Re: Chronique d'un rdv chez la psy Sam 28 Juin - 0:20 | |
| [Merci... Mais je pense que tu vas être déçu.] Partie 2 - Réflexions d'une bête en cage Une chanson, deux chansons... C'est au tour du gamin d'y passer. Un homme (la cinquantaine) entre et prend place après nous avoir salué. A croire que toute la population y passe, mais c'est une bonne chose qu'il y ait des gens qui puissent essayer d'aider quelqu'un à y voir plus clair. Seulement moi, je vais plus vite à résoudre mes problèmes quand je reste seule. Et croyez-moi : profs, amies, parents, infirmière et assistante sociale ne m'ont pas lâchée. A cause d'eux, et quand bien même j'avais beau leur expliquer dans mes moments de lucidité, j'ai failli devenir violente. Physiquement. Sachant qu'une chanson dure environ 3 minutes, avec toutes celles qui défilent j'en arrive à un quart d'heure. Un quart d'heure d'attente soporifique dans ce local clair et étroit. Alors que j'étais arrivée en retard. La machine à laver, aussi appellée "ce putain de téléphone portable" ou "ce truc qui ressemble vaguement à un talkie-walkie", peut en témoigner. J'arrive en retard et dois encore attendre un quart d'heure pour parler de quelque chose dont je n'ai pas envie de parler à quelqu'un à qui je n'ai pas envie de parler. C'est le genre de truc à me faire rechuter. Chester choisi de chanter By myself. What do I do to ignore them behind me ? Do I follow my instincts blindly ? Do I hide my pride from these bad dreams ? And give in to sad thoughts that are maddening ? Do I sit here and try to stand it ? Or do I try to catch them red-handed ? Do I trust some and get fooled by phoniness, Or do I trust none and live in loneliness ? D'ailleurs, si je suis là, c'est sur conseil de l'assistante social et de l'infirmière du lycée. Ma mère a donc pris un premier rendez-vous ici. Mais, comme d'habitude, elle ne s'est contenté que de le prendre. Après, c'est moi qui me débrouille, et je n'ai pas même droit à un "ça s'est bien passé ?" ou autre "vous avez parlé longtemps ?". Non, rien. Ma mère est une ancienne dépressive, et elle a rarement été très chaleureuse, malgré sa surprotection. Sometimes I need to remember just to breathe Sometimes I need you to stay away from me Sometimes I’m in disbelief I didn’t know Somehow I need you to go LP dérive sur Don't stay. Quand elle est fatiguée, elle est agressive. Quand on oublie quelque chose, elle est agressive. Quand elle va mal, elle est agressive et se plaint sans cesse comme si elle remplaçait le géant soutenant l'Atlas. Et exige, accessoirement, d'être aux petits soins. Même quand on va mal nous-même, elle est agressive. Et pas le droit de se plaindre. Mais ça ne nous empêche pas de lui signaler, à coups de sarcasmes bien utilisés, qu'on a chacun son problème et qu'on se doit de respecter celui des autres. Ouf, ça devient trop psychologique, ce truc. Sans doute à cause du lieu où je me trouve. Ce doit être une mise en condition, une sorte d'épreuve pour qu'on étale pas un silence de tombe devant Mme. la psy. C'est bien étudié, je l'avoue. Peut-être trop pour moi, je me sens entre victime de la télé réalité et cobaye de laboratoire. Vous connaissez le film " The Truman Show" ? Je ne m'y sens pas loin. Alors que j'avais toujours la tête baissée sur mes pompes, je me surprends à la lever pour détailler le ciel gris et le bout de façade du bâtiment d'en face à travers la grande fenêtre. Une inexplicable envie de la caresser tendrement, de l'ouvrir doucement, de déguster la brise fraîche et de sauter voler haut dans le ciel pour m'enfuir et contempler le monde m'envahit. Désir de liberté adolescent, sans doute. La seule chose qui m'empêche de réellement le faire, c'est que je n'ai pas d'ailes. Je ne suis pas venue au monde pour me suicider à la moindre complication. Compressée par mon instinct, j'étouffe, malgré les guitares et les voix. Ce même instinct de bête qui s'était calmé tout seul, que j'étais arrivée à dompter, c'est en racontant ma vie banale devant cette brave dame, et après avoir parlé de mon lunatisme 'humoriste railleuse VS violent bloc de glace' à quatre personnes différentes, qu'il a commencé à mordiller sa laisse, petit à petit. Silence radio pour ma machine à café musicale. Juste un intermède de paix entre deux perfomances. Take everything from the inside and throw it all away, Cause I swear for the last time. I won’t trust myself with you ! Ce sont sur ces paroles de From the inside que la porte blanche s'ouvre. Tournant la tête, j'aperçois le casque de cheveux roux frisés de la psy qui annonce mon nom. Soupirant et grognant de mauvaise fois, je prend mon sac et sers néanmoins cordialement la main ridée qu'on me tend en sortant de cet opressant local à rêves et à réflexions. Je ne pense plus. L'instinct se calme. On retrousse les manches. [To be continued.] | |
| | | fallen P'tit timide paumé O_o
Nombre de messages : 42 Date d'inscription : 28/04/2008
| Sujet: Re: Chronique d'un rdv chez la psy Sam 12 Juil - 19:49 | |
| - Mathy a écrit:
- Je ne suis pas venue au monde pour me suicider à la moindre complication.
Il est parfois bon de se le rappeler. ... J'ai eu raison d'attendre. Alors je vais attendre encore. ... Pour la suite. | |
| | | Mathy Agent du MIB - Nom d'code : Math
Nombre de messages : 781 Age : 31 Localisation : Lost under a sky of dust, I think... Date d'inscription : 17/03/2007
| Sujet: Re: Chronique d'un rdv chez la psy Mar 15 Juil - 20:04 | |
| Partie 3 - Sous les yeux du hibou Mme. la psy me fait entrer dans son bureau aux meubles rares mais massifs. C'est avec regret que j'éteins ma précieuse machine à café et quitte mes précieux membres de Linkin Park. Comme la première fois, le rendez-vous commence par... rien. Un gros silence pendant lequel j'ai juste envie de m'endormir. Je laisse mon regard vagabonder sur la moquette d'une couleur douteuse oscillant entre le vert foncé et le marron sombre. Hors de question de regarder Mme. la psy et ses oppressant mais si mélancoliques grands yeux. Elle m'a toujours vaguement fait pensé à un hibou, avec son regard très ouvert sur le monde, sa prestance de sexagénaire et ses cheveux qui devaient être de lourdes plumes dans un vie antérieure. Finalement, voyant que rien ne vient, elle me pose une question : - Alors, comment cela a-t-il évolué depuis la dernière fois ? "Comment cela a-t-il évolué...", voici sa question. Pourquoi "cela" ? Pourquoi pas "vous", ou "tu" ? "Cela" est tout simplement moi, non ? Je lui répond, l'esprit encore dans LP et mes réflexions psychologiques. - Sachez d'abord que - veuillez me pardonner l'expression - vous êtes arrivée trop tard. Un petit sourire attendri couvre les lèvres fines de Mme. devant cette réplique inattendue. Je ne savais pas que la franchise et la distance pouvaient me rendre tendre. - Sinon, il n'y a pas grand chose de changé. J'allais bien la dernière fois, et c'est toujours le cas, hormis le fait que devoir me lever plus tôt que 13 h, c'est dur. Son sourire se fait plus large. Je sais dès l'instant ce qu'elle pense, et cela me fait sourire à mon tour. "Ah, les adolescents..." "Ah, les adultes." Oh oui, les adultes sont si prévisibles. L'assistante sociale et l'infirmière croyaient pouvoir aborder certains sujet avec des questions détournées (très bien détournée, d'ailleurs, n'importe qui se serait laissé embarquer sans trop comprendre), mais j'avais atteint l'extase en contemplant leurs visages ébaubis lorsque j'y répondais, allant toute de suite là où elles voulaient m'emmener, et sans aucune retenue. Hin hin hin. Rien que d'y repenser... Mais je n'aime pas qu'on me prenne pour une sale gamine aussi niaise que peuvent l'être mes semblables. Je ne peux pas faire le même coup à Mme. la psy. Elle ne pose de question qu'après un temps silencieux réglementaire de 2 minutes. En parlant de prévision... - Et savez-vous pourquoi vous n'alliez pas mieux lorsque vous étiez entourée par vos amies et vos professeurs ? - Les gens sont tous les mêmes dans ce genre de situation. Ils disent tous les mêmes choses, et à chaque fois j'avais l'impression de vivre un film avec ses répliques cultes. Des phrases que je savais inévitables, et qui me rendaient chaque fois un peu plus mauvaise encore. Des façons de parler tellement banales. Je dois être une calculatrice ou une psychanalyste, ou pas, mais à chaque fois que les gens ouvraient les lèvres, je savais à l'avance quelle tournure ils allaient utiliser. "Ne t'en fais pas, on est là, on va t'aider !". "Tu sais Mathilde, il faut savoir regarder au-delà de la douleur". "Et... Tu sais à quoi c'est dû ?". "N'y pense pas, et vis !". "On a tous des moments difficiles, tu sais...". "On sera toujours là pour toi". "Quoique tu dises, ou fasses, on sera à tes côtés, pour le meilleur et pour le pire !". "Parle-moi, Mathilde !". "Je ne peux pas te forcer...". "Mathilde, dis-nous ce qu'il se passe !". "Mathilde !". VOS GUEULES, BORDEL !!! Non, pas s'énerver, paaaaaaaaaaas s'énerver. Juste se boucher les oreilles devant ces stupidités qui me reviennent en mémoire, ces phrases et gestes théâtraux qui sont devenus complètement foireux en se heurtant à moi. - La banalité, si trop utilisée, peut me rendre violente lorsque je suis cet arbre millénaire agacé par les petits nouveaux qui viennent troubler son repos. Je ne veux pas qu'on compatisse, surtout pas. Seules deux personnes savent me calmer par leur indifférence. Avec un ricanement sarcastique en mon fort intérieur, je lis dans les yeux du hibou une certaine curiosité. Quoi, elle n'a jamais eu affaire avec des abruties qui se veulent marginales comme je le suis ? - L'une n'a pas du tout le même emploi du temps que moi, et l'autre habite à l'opposé d'où je suis, dans un pays limitrophe. Ils me disent qu'on n'y peut rien, et puis voilà. Il faut vivre avec ce fardeau un point c'est tout. Eux seuls savent qui je suis réellement, sous ce fantôme d'ado confiante, discrète et décontractée. Pendant que je parle d'un ton indifférent, presque absent, elle écrit avec son stylo plume sur des feuilles blanches. Cette prise de note est assez stressante. On se demande ce que signifie cette écriture en boucles penchées illisible à l'envers, et on lève un sourcil en se demandant si Mme. ne fait pas un dossier sur nous pour la Sécurité Nationale. Pourtant, je me sens mieux dans cette pièce que dans la ridicule salle d’attente. Disions que la déco est plus recherchée, et puis tout ce bois… C’est bien, le bois. Bref, je lui parle toujours de la même façon, toujours de la même chose, et peu à peu, je m'endors. Heureusement, alors que je suis prête à fermer les paupières, Mme. la psy pose son stylo et croise ses mains sur son bureau. - Bon, nous allons nous arrêter là pour aujourd'hui. Vous savez, j'entends bien que vous juger ne pas avoir besoin de... prendre rendez-vous, mais sachez que vous êtes désormais placée en priorité si vous en avez besoin. - Bien. Nous nous levons, je lui donne le chèque, et elle me l'échange contre l'ordonnance. Me conduisant à la porte, elle me répète qu'elle "entend bien que je juge ne pas avoir besoin de prendre rendez-vous...". Je me retiens pour ne pas lui répliquer en riant que moi, j'entendais bien qu'elle entendait bien que, etc... Le hibou me sert la main de son membre enveiné, puis je sors dans le hall moche et mal éclairé. Je me sens plus désabusée que jamais. Finalement, un rendez-vous chez le psy, ça ne me sert à rien. [A suivre.] | |
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