Genesis
[ Elle posa sa main sur mon épaule nue.
Il faisait extrêmement lourd. Pourtant, ma peau était glaciale. Un soir de l'été 2006. Il ne faisait pas totalement nuit, et plus tout à fait jour. Entre chien et loup. Une camel à la bouche, je regardais au loin. La fumée formait un nuage transparent très odorant. J'avais une casquette, un caleçon et un jogging noirs en guise de vêtement et la brise qui soufflait me faisait frissonner. Mon paquet, acheté quelques heures plus tôt était à présent à moitié vidé. On était sur le toit de chez moi. Le sud, quel bel endroit pour vivre ... J'habite dans une ville près de Nice. J'ai une petite soeur et j'aurais du avoir un grand frère.
Je tirais pour la énième fois sur la cigarette lorsque j'entendis la porte qui permettait d'accéder au toit s'ouvrir. Je gardais mon regard plonger dans le paysage qui s 'offrait à moi. Qu'importe qui cela pouvait être, rien ne pourrait m'obliger à continuer à me battre. Elle posa sa main sur mon épaule. A peine avait-elle posé sa main que je la dégagea sans même la regarder. Elle s'approcha encore. Je pouvais désormais sentir sa poitrine se presser légèrement contre mon dos. Elle savait que je ne bougerais pas. Elle fit remonter l'une de ses mains le long de mon dos jusqu'à mon épaule, et cette fois-ci enfonça chacun de ses 5 ongles. Ma mâchoire se contracta sous la douleur, mais je dus me contrôler pour ne pas laisser échapper le gémissement que je sentais naître au fond de ma gorge. Elle se mit sur la pointe des pieds, me donnant à supporter une partie de son poids afin d'atteindre mon oreille, où elle glissa quelques mots :
"
Tu penses faire quoi ? "
Observant pendant quelques instants mon absence de réaction, elle déposa un baiser sur mon cou et glissa sa main droite dans la mienne.
"
Réponds moi ... "
"
Je n'ai plus rien à faire ici "
J'avais lâché ces mots s'en même m'en rendre compte. Je la sentais se réjouir de ma réponse. Elle rétorqua en faisant descendre sa main gauche. Celle dont les ongles étaient plantés dans mon épaule. Je devinais la rougeur des traces qu'elle venait de me faire. Je finis par sentir couler lentement un liquide chaud, et je me demandais si mon sang se verrait s'il coulait sur mon jogging. Mais ce qu'elle faisait me répugnait. Ma mâchoire se contractait d'elle-même et j'étais pris par des tremblements plus ou moins contrôlables. Elle percevait très bien mon trouble, qui était beaucoup plus psychologique que physique. Elle en profita pour rajouter :
"
Tu t'imagines si ton père nous voyait ... "
"
C'est pour ça que je préfère te quitter aujourd'hui. "
Je l'entendis rire doucement. Ce rire aurait pu être perçu comme le plus mélodieux des chants. Mais il me terrorisait. Et bien que j'éprouvais le plus grand dégoût, mon corps semblait ne pas être en adéquation avec mes idées. Ce qu'elle ne manqua pas de me faire remarquer.
"
Tu dis ça ... pourtant, tu la sens non ? "
Elle lâcha ma main et dirigea la sienne à un autre endroit.
"
Moi, je la sens ... "
Les larmes me montaient aux yeux, je ne pouvais rien faire. Je pris une nouvelle cigarette et l'alluma. A peine avais-je commencer à fumer qu'elle se sépara de moi. Je ne la sentais plus. Je la savais proche, mais comme je persistais à ne regarder que le couché de soleil magnifique, elle n'aparaissait pas dans mon champ de vision. Je fermai les yeux quelques secondes, espérant que lorsque je les rouvrirai, je serai seul. Je sentais des lèvres contre les miennes. Restant proche de mon visage, dont les yeux clos me permettaient de penser à autre chose, d'imaginer un monde tout autre, elle me parla avec une voix suave.
"
Depuis que je te connais, j'ai tout fait pour te rendre heureux. Je t'ai permis d'aller plus loin que quiconque ! Pour m'être fait ton père, je puis te l'annoncer, il n'est rien par rapport à toi. "
"
Je t'en supplie, tais-toi ... "
Mais mes mots ne semblaient pas vouloir sortir de ma bouche. Ils ne voulaient pas l'offenser.
"
Pourquoi me repousses-tu ? Tu m'as fait souffrir comme personne ... Personne ... Tu t'es excusé et tu pensais que j'allais te pardonner si facilement ? Hum ? C'est ça ? "
"
Je suis désolé "
Des larmes glissaient maintenant sur mes joues et lorsqu'elle s'en rendit compte, une gifle fendit l'air et me rougit le côté droit. Je profitai de ce temps de latence pour reprendre une bouffée de cigarette, déjà bien entamée. Elle me gifla une deuxième fois. Cette fois-ci, je perdis un instant l'équilibre et du esquisser un mouvement. Elle planta les ongles de ses dix doigts au niveau de mes clavicules et les fit descendre autant qu'elle le pouvait. Les plaies de la veille ne s'étaient pas refermées entièrement et donc, des gouttes de sang perlèrent.
"
Dis encore une fois que tu es désolé et tu vas tomber ... "
Sa voix était féroce cette fois, mais elle rajouta, avec un sourire démoniaque
"
Tu sais, comme à ta naissance ... "
Nouvelle larme. Nouvelle gifle.
"
Tu ne me sers à rien, tues toi, tu me seras plus utiles comme ça. Moi je t'aime ! Toi non ! Tu n'es qu'un ingrat ! "
Elle tourna les talons et s'en alla. Lorsqu'elle passa la porte, je m'écroulai. De fatigue, de dégoût, de peur, de faim, de soif, de tout et de rien. Après un moment, je me relevai. La nuit était bien là désormais. Et comme une fois tous les cycles, la Lune me regardait. Non, elle me regardait pas. Elle se foutait de ma gueule en me montrant un sourire tellement grand qu'il semblait rond. Je la regardais me sourire comme une conne et je finis par me demander si le fait de passer la balustrade me ferrait mieux la voir. Comme tout le temps, l'image de ma petite soeur me revint en mémoire et je me dis qu'elle serait désormais seule.
J'entendis un bruit de voiture, et je devinais que ma nuit serait longue encore ... Je déteste les ongles. J'ai de fines cicatrices sur mon torse et mon dos. C'est pour cela que je ne les montre que la nuit, comme ce soir là. Elle, elle les trouvait charmantes. Elle disait que ça me rendait plus homme. A 16 ans, a-t-on vraiment besoin d'être un homme ? ]