S'éloigner de la douleur [Zalya /Rune]

Zalya avait marché puis courut, puis s’était arrêtée en chemin mais était arrivée vite, très vite, à Zeviel. Quand elle arriva sur la grande place, elle se sentit de suite mal à l’aise. Des gens parlaient, hurlaient, discutaient, chantaient quelques fois … Puis d’autres personnes aux regards sombres qui s’approchaient doucement d’innocents villageois pour leur piquer leur bourse … L’elfe sentit la tête lui tourner, le sang ne faire qu’un tour. Des gens.
Oui, dans l’absolu, ça faisait pas si longtemps qu’elle avait quitté Liaven … Pas plus de deux jours, même pas mais … Tout paraissait lointain et flou. Tout ce dont elle se souvenait, c’étaient les cris, le sang, les larmes, la rage, la tristesse et l’amertume … Et encore ! Tout ces images semblaient troubles dans son esprit embué.
L’elfe observa son avant bras et y remarqua du lichen. Elle soupira.
« C'est joli, ces feuilles, on dirait une dryade. »
L’elfe eut un sourire puis remua doucement la tête de gauche à droite. Elle soudain repéra au loin un banc à l’ombre d’une haute maison. Puis elle s’aperçut la distance qui le séparait d’elle. Elle soupira de nouveau. Tous ces gens à côté desquels elle passera avec un malaise incommensurable. Déjà, elle sentait les regards posés sur elle. Et les remarques, encore les remarques. Ça referait comme à Liaven …

- Vous avez vu cette … chose ? Elle a les oreilles d’une elfe mais on dirait une dryade ...

- Maman, elle est bizarre la dame là-bas … Elle me fait peur.

L’elfe baissa la tête.
« Je crois que ça ne l'aurait pas dérangé d'avoir un gosse non plus... »
Non, elle n’en aurait pas été capable. Il aurait eu peur aussi … Ou alors, on aurait eu peur de lui et de sa mère sanguinaire nymphomane. Puis une mère n’est pas nymphomane. C’est sensé être stable une maman. Une maman … Les enfants se rappellent toujours de leur mère avec ce petit sourire presque amoureux et cette nostalgie de l’odeur du parfum qu’elle portait et qui embaumait leurs vêtements. Mais Zalya ne se souvenait tout simplement plus d’elle. Elle n’a pas pourtant été orpheline tôt, non. A la mort de sa sœur, juste avant qu’elle ne s’en aille, sa mère l’avait pris dans ses bras, l’avait supplié de ne pas partir. Mais son frère … Raaah … Elle l’aurait tué ce jour-là. Mais la vengeance est venue plus tard.
Oui, Zalya aurait du être normale. Une mère aimante, un père passionné … Mais une jumelle assassinée par son propre frère après quelques années d’existence, ça sortait déjà du réel. Elle n’aurait pas du partir et laisser sa mère mourir seule avec ce salaud, ni son père vieillir …
« Tu fais mal, Zalya...Toujours mal. »

- Oui, Wy, je sais …

Et en même temps, l’elfe traversait la place. Elle n’était pas longue mais la traversée semblait durer des instants éternels.
« Je suis peut-être un idiot doublé d'une mauviette, mais tu es pire. Honnêtement. »

- Je sais tout ça …

Elle ferma les yeux, poussa un soupir douloureux qui semblait lui arracher le cœur. Elle n’avait fait que des conneries. Encore et encore. Comme si … Wy et An avaient raison. Elle était pire qu’eux deux réunis et faisait toujours mal. Elle faisait peur comme disait le petit garçon qui s’accrochait à la robe de sa mère devant le marchand de jouets en bois.

- Qui es-tu, monstre ?

Zalya se retourna vivement. Un homme imposant, plus grand de dix centimètres qu’elle, la dévisageait. L’elfe ne répondit pas, lui lança un regard désabusé et reprit sa douloureuse traversée. Plus que quelques mètres. L’homme posa sa main sur l’épaule de l’elfe, comme pour l’arrêter, mais la main fut instantanément recouverte de lierre et il en fut vite de même pour le reste du bras.

- Mais … Eh !

Les branches se désagrégèrent et Zalya se retourna de nouveau vers lui avec cette fois-ci les yeux rouges.

- Je ne suis pas un monstre, morveux. Et ose redire ça de qui que ce soit qu’il n’ait pas le droit à ce titre, je t’étoufferai avec mon lierre ou de mes propres mains. Ou les deux.

L’homme eut un mouvement de recul, les mains en avant, les yeux exhorbités.

- Casse-toi.

Il ne demanda pas son reste et partit d’un pas pressé mais pas trop, pour garder un minimum de dignité auprès du reste des habitants. L’elfe arriva enfin à son banc et s’y assit lourdement. Elle soupira encore une fois. Qu’allait-elle faire si elle n’avait plus à courir après Wy et An ?

Les gens sont pathétiques. Tous. Ca devait être pour cela que Runrann prenait parfois un malin plaisir à les frapper, comme pour histoire de la faire revenir à la raison. Bien qu'elle savait que ça ne marcherait jamais, mais ça la défoulait de voir leurs sourires niais couverts de bleus, et parfois même de sang. D'ailleurs, sous ses ongles longs se trouvaient présentement quelques morceaux de chaire, mais ses bras étant cachés sous son manteau kaki, personne ne pouvait deviner qu'elle avait récement réglé ses comptes avec une femme qui prenait depuis quelques temps l'habitude de la regarder de haut, à la taverne. Enfin.
Ses pas assurés et son regard animal la menèrent à l'autre bout de la place, bousculant violement les personnes, grandes ou petites, adultes ou enfants, qui se trouvaient sur son chemin.

- Vous avez vu la femme, là-bas ?
- Oui... Elle est....originale.
- Qu'est-ce-que c'est, à votre avis ?
- Je n'en sais rien, mais mieux vaut ne pas la déranger.

Une femme ? Là-bas ? Originale ?

- @Ils se sont trouvé une nouvelle bête de foire, on dirait... Quelle bande de crétins...@

Bourrant encore et toujours dans ceux qui se trouvaient sur son passage, et allant parfois même jusqu'à les renverser, Rune se dirigea vers la direction désignée qui la conduisit jusqu'à un petite partie étrangement déserte de la place. Ici, assise sur un banc, une elfe-lierre. Il était vrai que c'était assez impressionnant, mais la jeune femme ne se permettait pas de juger, puisqu'elle était très mal placée pour le faire de toute façon.

L'esprit terriblement occupé par diverses pensées, les remarques des villageois ressemblaient plus à des murmures étouffés qu'à de véritables paroles pour l'elfe. Elle avait la tête baissée, les yeux presque clos et soupirait toutes les deux secondes, ce geste semblant faire partie réellement de sa respiration.
Mais soudain, un étrange sentiment la sortit de ses divagations intérieures. Une présence. Proche.
Zalya leva les yeux et découvrit une jeune femme, de son âge semblait-il, humaine à première vue, la peau bronzée et des yeux rouges dissimulés dans l'ombre d'un lourd manteau kaki. Les regards que les villageois sur elle ne trompaient pas. Elle aussi ...
L'elfe se leva et tous les spectateurs de la scène firent un pas effrayé en arrière. Elle s'approcha de l'étrangère et lui sourit. Elle lui offrit alors une vision très nette de sa nouvelle apparence. Ses yeux brillaient d'un couleur verte entre le fluo et l'émeraude, dans sa peau étaient encrées des minuscules branches de lierre et leurs microscopiques feuilles et de larges feuilles se mêlaient à ses cheveux.
Lorsque Zalya sortit une de ses dagues de son fourreau, l'attention des habitants se reporte sur sa main. Ses doigts subissaient le même sort que le visage de l'elfe et ses poignets étaient entièrement entourés de branches longues et courbées.

- Ça vous dit du calme ?

Sourit Zalya à l'inconnue avec un petit air coquin ....

Lorsque l'étrange spécimen vint à elle, Runrann s'immobilisa pour mieux la regarder. Pourquoi les gens devaient-ils à chaque occasion abuser des hyperboles les plus idiotes qui soient ? Oui, cette elfe était assez originale pour son genre. Et...? Elle ne leur avait rien demandé, si ? C'était décidément vrai, les gens sont crétins et pathétiques. La jeune femme planta ses yeux rouges dans ceux verts de Zalya. Un vert captivant d'ailleurs. Tellement incroyable qu'on aurait pu croire qu'il n'était pas naturel. Tout comme les runes ancestrales qui semblaient gravées dans les iris couleur de sang de la violence incarnée.
L'elfe tira sa dague. Rune se permit un léger sourire sadique en réponse à celui de l'être vivant qui lui faisait face. Sa proposition était bien alléchante, et puis, la femme que Runrann avait étranglée à mains nues l'avait énervée.

- En effet, ces moucherons ont le don de me pomper l'air. Mais ils courent vite.

Sous l'ombre de sa capuche, les deux points rouges disparurent un instant pour réapparaître aussitôt. Elle avait cligné des yeux comme un fauve en plein contentement.

Zalya éclata d'un rire effrayant, les yeux virant au rouge.

- Même les pieds attachés ?

Les villageois les plus proches d'elles sentirent monter le long de leurs jambes de grosses branches solides de lierre.

- Eh ! Mais ...

- Ça vous dit de vous amuser ?

Sourit l'elfe à sa "nouvelle" "amie" en s'approchant déjà d'un petit homme aux regard mauvais qu'elle égorgea froidement.

Runrann nota le changement assez surprenant de couleur des yeux de l'elfe-lierre et tourna doucement la tête pour constater les jambes entravées des villageois qui les entouraient. Impassiblement, elle revint à Zalya en faisant craquer et grincer les phalanges de ses doigts.

- Si vous consentiez à libérer le guerrier à l'épée imposante, là-bas, je pourrais peut-être ralentir sa possible fuite. Frapper des adversaires déjà en position de faiblesse ne me contente guère.

- Vos désirs sont des ordres.

L'elfe s'exécuta et fit de même pour tous les villageois immobilisés. Une de ses dagues vola, fila en fendant l'air à une vitesse faramineuse vers une femme et s'enfonça dans la gorge de cette dernière. Le corps tomba lourdement au sol. Zalya s'en approcha avec arrogance pour récupérer son arme.

- J'ai du mal à supporter les commérages ...

- Je vous remercie, mademoiselle. D'ailleurs, votre nom ?...

Elle était déjà sur le grande guerrier qu'elle avait repéré lorsqu'elle lui demanda cela. Ce dernier, aimant les combats intéressants, avait dégainé sa grosse épée, mais fut étonné de voir que Rune ne daignait pas sortir la sienne. Elle ne se servait que de ses poings. Mais pas des poings de petite jeune femme. Des poings semblables à des masses faites spécialement pour épouser les formes du corps de n'importe quel être vivant et surtout pour lui infliger des dégâts bien focalisés. Runrann esquiva une fois encore la lame de son adversaire et sauta agilement sur ses épaules. D'un coup de l'une de ces masses si particulières, elle lui en déboîta une.

L'elfe sourit. Elle observa le spectacle du combat.

- Zalya Nilëlia. Et vous ?

Un homme voulut l'attaquer par derrière. Elle se retourna et l'attrapa un geste rapide et fort à la gorge.

- Casse-toi, sinon je t'égorge aussi.

Elle le lâcha et l'homme s'enfuit en courant ...

- Runrann Uneran. Mais on m'appelle plutôt Rune. Enchantée, chère "collègue".

Revenue à terre, le guerrier se servit de son bras encore intacte pour élancer son épée sur la jeune femme. Lorsque celle-ci se retourna, la lame venait déjà sur elle. Croyant lui avoir fendu le crâne, l'homme eut un sourire triomphant, mais quand Runrann leva la tête, son expression victorieuse s'évanouit.

- Qu... Quoi ?
- Les poings ne servent pas qu'à frapper...

Ricanant avec un sentiment mauvais sur le visage, la jeune femme fit légèrement bouger sa main droite. L'épée bougea avec. La lame s'était enfoncé dans le poing dont Rune s'était servie pour se protéger. Dégoulinants de sang, ses doigts se mirent à glisser sur l'arme pour remonter rapidement jusqu'à la main du guerrier qui serrait le pommeau de l'épée. Là, elle lui saisit le poignet et serra si fort qu'un craquement sec retentit en même temps que le gémissement de son propriétaire. Runrann sourit encore. Elle aimait faire durer le plaisir de surprendre.

Zalya observa la jeune femme et eut comme un frisson. C'était rare. Avait-elle trouver quelqu'un d'encore plus sadique qu'elle ? Peut-être.

- Remarquable !

S'écria-t-ele en tapant dans ses mains.

@C'est ... ahurissant ... On a l'impression qu'elle se délecte de ça ... comme si ça n'avait pas autre but que la divertir ...@

"Lâchez..."
*L'homme qui s'était avancé n'en était pas vraiment un, emmitouflé dans ses larges étoffes qu'il était, exagérement voûté (les ailes sous le tissu...). Mais il s'était arrêté net quand il avait entraperçu le regard de Zalya. Il renifla l'air. La même odeur, en plus "bruyante". Pourquoi n'y avait-il que si peu de mots pour décrire les odeurs que les bêt...les vampires pouvaient percevoir? L'odeur de Zalya était plus boisée que la dernière fois, et pour cause. Mais par dessus cette odeur, il percevait le sang! Sang frais qui coulait des blessures d'innocents. Sang sur les pavés! Sang sur les mains de ces femmes sans pitié. Syül recula, horrifié. L'elfe...L'elfe qui avait voulu lui donner son sang. Pourquoi encore elle?*
"...Ces...Gens..."
*La voix du vampire était rauque et en même temps spectrale. Un pas en arrière de plus, et il renversa un étal. De viande. L'odeur de sang imprégnait presque sa gorge toute entière. Il lui semblait que sa faim, et le creu de sa peau sur les os, loin sous les tissus, se faisaient de plus en plus ressentir. *

Rune, tout en continuant de s'amuser un peu avec son nouveau jouet, s'étonna quelque peu de la réaction et des encouragements de Zalya. Depuis quand on se réjouissait de voir sa violence à l'oeuvre ? Elle sourit intérieurement. Ca faisait du bien, un peu de soutient de temps en temps. Elle en était à briser l'un des genoux du guerrier par derrière d'un coup du sien lorsque qu'un léger frisson la parcouru. Se ravisant en un milième de seconde, la jeune femme sauta de sa jambe encore à terre et redirigea son coup de genoux sur la nuque de l'homme imposant qui ouvrit grand les yeux en sentant ce brisât résonner dans son corps. Il s'effondra sur le sol lourdement, faisant en même temps tomber son épée. Rune atterrit sur son corps couché sur le ventre et regarda l'être qui avait cette aura si particulière de ses yeux rouges brillants dans l'ombre.

Le calme était retombé mais il était accompagné d'une jolie surprise ...

- Syül ! Comment allez-vous depuis le temps ?

Ironisa avec un sourire sadique l'elfe.

- Vous avez vu ça ...

Dit-elle en montrant les cadavres ...

- On vous a même préparé le diner !

Zalya s'approcha de Rune.

- Mais quelle impolie je fais ... Je ne vous ai pas présentés ! Rune, voici Syül, un vampire. Syül, voici Runrann, une humaine. Enfin, je crois.

L'elfe avait cet air arrogant qui allait si bien avait ses yeux rouges. Le haussement de sourcil signifiant à la fois le mépris et le sarcasme, un petit rictus dédaigneux ... A La voir comme ça, on croirant presque qu'elle oubliait qui elle était ....

"Je..."
*Un pan du tissu qui lui recouvrait la tête profita de ce moment pour voler. Il découvrit ses traits d'albinos, ses joues creusées, ses cheveux blancs qui, libèrés, se mirent à voleter comme des flocons, et ses yeux rouges presque vitreux à force de privations. Piteux état. Ou le contraire, tout dépend du point de vue. Peut-être qu'être un vampire mais se priver est un "bon" état, après tout? Le soleil mordit cette peau si fragile qui venait de s'offrir à lui, et la surface blanche du visage de Syül prit une teinte grisâtre.
Elle se souvenait de son nom. Se souvenait-il du sien? Lazya, Zala, quelque chose dans le genre. Zalya? Le vampire murmura une prière. A qui, il ne le savait pas. Un quartier de boeuf, dégoulinant, au dessus de lui, en profita pour lui lâcher sur la lèvre une goutte de sang. Il ferma les yeux.*
"Et laissez-moi..."
*Le "dragon" porta par réflexe la main à la garde de son épée tordue, qui pendait sur son flanc.*

Allons bon. Un autre être indéfini qui risquait de faire parler de lui dans les prochains jours. Ils étaient maintenant trois à s'être fait remarqués. Une elfe-lierre, un cadavre vivant et une simple humaine. D'ailleurs, runrann avait un peu l'impression de faire tâche dans ce "bestiaire insolite". Quoique sa violence animale pouvait peut-être l'y faire rester. Un vampire, hein ? Elle n'en avait encore jamais croisé. Et pour cause : il était assez rare d'en voir en pleine rue aux douze coups de midi.
Ho-ho... Il était prêt à dégainer ? Rune baissa son regard sur le côté, là où se trouvait la tête tordue dans une position normalement improbable de son jouet cassé. Une strangulation et un brisage de cou. Non, vraiment, elle en avait assez pour aujourd'hui. Et puis, elle ne devait pas en faire trop, si elle voulait avoir une chance se repentir du meurtre de son frère et de sa mère. Aussi, si ce... Syül ? décidait de se battre, elle se contenterait de soupirer et de parer les coups éventuels. Même mieux, elle se barre à la plus proche taverne et on en parle plus.

Zalya explosa de rire cette fois-ci. Celui-ci résonna dans la place comme un coup de cymbales dans une salle acoustique vide.

- Syül ! Enfin !

Puis subitement, elle poussa un soupir et ses yeux reprient leur couleur verte surnaturelle en s'exhorbitant. Puis un nouveau soupir. (C'est la promo xDD Ok, je sors ==> )

- Pfff ... Désolée.

Comme quoi son côté schizo n'avait plus de limites ...

- Je ne devrais pas vous provoquer comme ça. Puis vous avez raison de lutter contre vos pulsions, vous ...

Le denrier mot avait été prononcé avec exagération, comme si elle avait quelque chose à se reprocher. Puis elle se retourna vers Rune ...

- Désolée de vous avoir forcée au massacre, Mad'moiselle Rune ...

*Sang, sang sang! Toujours le sang! Pourquoi revenir vers les villes? Du sang, toujours du sang. C'est à peine si le dragon-vampire entendit les excuses de Zalya. Sa gorge lui paraissait plus sèche que jamais. Avec la vitesse surnaturelle et maudite que lui confèrait sa condition, il amena son poignet à sa bouche et se déchira la peau. Pour boire. Encore des illusions. Un vampire ne pouvait pas se contenter infiniment de faire circuler en boucle son propre sang. Celui-ci lui paraissait déjà rèche sur la langue, sans aucune saveur.*
"Laissez-les partir..."
*Il manqua d'ajouter "pour moi". Parce que c'était vrai. Si les derniers vivants, exceptés les deux femmes, trainaient encore dans les parages, ce serait un massacre.*

Cette elfe était... étrange... Lunatique ? Elle le semblait. Chacun sa particularité...
Rune secoua la tête, ne faisant que bouger l'ombre sous sa capuche, et croisa les bras, toujours perchée sur le corps de son ancien adversaire.

- Désolée de quoi ? Cela se voit que vous ne conaissez pas mon quotidien. J'avoue que j'aurais pu me retenir, mais cette femme m'avais tellement fait péter les plombs...

Lorsqu'elle tourna ses yeux rouges sur le vampire (n'était-il réellement QUE vampire ?), l'un de ses sourcils de leva au vu du geste imprévu de l'être éternel. Cela avait quelque-chose de... d'ironique. Un vampire se mordant lui-même... Qui l'eut cru ? En pleine jour, en plus. Sur une place habituellement très fréquentée par les paysans. Ce qu'il faisait était-ce un réflexe désespéré ?...

L'elfe se tourna vers les villageois restant, les yeux couleur de la lave ...

- Cassez vous ! Allez !

Elle avait hurlé et son cri avait créé une serie d'échos en chaîne ... Les habitants s'enfuirent, apeurés par les yeux rouges et les cris. Zalya se retourna vers le dragon.

- Je pense qu'une minuscule cure de sang vous ferez du bien. Autre que le votre quoi.

Elle soupira.

- Puis maintenant que vous êtes seul ... Enfin sauf si on vous dérange évidemment.

"N...Non."
*Bizarrement, plus le temps passait, plus la mort effaçait les traits originels de Syül. Mais plus il avait aussi l'air jeune et vulnérable, mordu dans son adolescence de dragon. Il releva les yeux, les lèvres rosies par le sang clair qui coulait encore un peu de son poignet. Puis, ne joignant pas du tout le geste à la parole, le "dragon" s'avança, se pencha sur le cadavre de l'homme que Rune avait abbattu, et fendit de ses crocs la chair de son cou. Au moins, il était déjà...Mort. Cela lui rappelait la mauvaise blague que lui sortaient parfois ses très très rares rencontres de "semblables", "Boit donc avant que ça coagule...". Et bien Syül buvait donc. Avec un air mélangé de prédateur et de victime.*

- Hum...

Elle qui croyait avoir tout vu, Runrann mesura soudain l'étendue de son ignorance. Cependant, même un tel spectacle ne lui semblait pas exeptionnel. On en voit tous les jours, des êtres vivants se nourir sur des cadavres. Relevant le pan de capuche qui lui tombait sur les yeux d'un doigt, ses yeux rouges apparurent pour de bon avec leurs runes au soleil qui noyait la place d'une lumière indifférente à ce qui s'était et ce qui se passait. Son regard impénétrable passa de Zalya à Siül.

- Vous vous êtes déjà rencontré ?

Zalya leva les yeux au ciel à la question de Rune, retirant son regard du Vampire.

- Oui. Et malheureusement pour lui, j'étais encore dans un de mes mauvais jours.

Elle soupira. Anathël ... La dispute dans la ruelle puis celle dans la foret ... Wyj'hed ... Wywan ... Leurs paroles ... Blessantes mais terriblement vraies ... Tout lui revenaient d'un bloc. Les images fusaient devant ses yeux, les cris résonnaient dans sa tête. L'elfe tomba à genoux, le crâne dans les mains, grimaçant de douleur. Elle savait où Il était. Les limbes ... Son corps tomba, inerte. Son esprit était autre part ...

"Si vague..."
*Il avait relevé la tête et reposé presque avec tendresse celle de l'homme mort. Les lèvres du dragon métamorphosé luisaient de sang.*
"Avez-vous peur des vampires, humaine? Et même vous, elfe...?"
*Il ferma les yeux. Sa voix chantante d'Aeryel pâlissait alors qu'il prononçait quelques derniers mots:*
"Parce que les vampires ont horreur du sang refroidi."
*Non. Reculer. S'assomer, ne pas accepter la démence. Se détruire, mais ne pas détruire les autres. Qu'elles cessent d'avoir l'air si...Vivantes, aussi. D'avoir l'air si pleines de sang. Le dragon fut horrifié par ses propres pensées. Il commençait à réfléchir en prédateur. L'immortalité promettait d'être longue si elle devait se dérouler dans une transe sanglante et aveugle. Il recula, l'air plus effrayé -et glacial- que jamais. Et il croisa, brièvement, le regard de l'humaine. Aussi rouge que le sien, mais plus complexe encore. Elle n'était pas...Totalement humaine, peut-être? Une goutte de sang quitta la lèvre de Syül pour tomber dans sa main. Il baissa les yeux.*

La situation était décidément inhabituelle. D'abord une elfe-lierre différente des autres, ensuite un petit meurtre entre amies, puis un dragon-vampire différent lui aussi. La façon de penser des gens n'était jamais la même, ou presque, mais Rune se trouvait maintenant face à deux entités terriblement attirantes par leurs esprits. Son propre passé aurait dû la rendre plus réfléchie, faute de réelle matûrité, mais son âme n'en était devenue que plus complexe, entre sadisme et bienveillance, violence avec l'ephémère et délicatesse envers ce qui a toujours été. A vrai dire, Runrann n'a jamais su où elle se trouvait exactement, dans tout cela. Qu'importe. Il suffit de ne jamais rester longtemps avec une nouvelle rencontre. Si celle-ci est mauvaise, le côté prêt à aider lui déplairait. Si elle est bonne, la partie meurtrière lui ferait peur.
L'errante battit des paupière, faisant un instant disparaître les deux rubis brillants gravés de signes noirs qui formaient ses yeux. Elle détailla le frêle être qui contemplait une petite mare rouge sur sa peau pâle. On aurait dit qu'il était prêt à s'envoler au moindre coup de vent. Tandis que la Verte semblait au contraire capable de résister à la folie des éléments. Humectant ses lèvres sèches, Rune entreprit de parcourir la place du regard. Personne. Tant mieux.

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